Les dentistes vont-ils devoir changer d'aiguilles ?
Ce 3 mai, a été publié au Moniteur belge
un Arrêté royal de transposition d'une Directive européenne de 2010
qui met en œuvre un accord-cadre relatif à la prévention des
blessures par objets tranchants dans le secteur hospitalier et
sanitaire.
En préambule, cet accord-cadre
précise que "1. Tous les acteurs du secteur hospitalier
et sanitaire doivent être conscients de l’importance de la
santé et de la sécurité au travail. L’adoption de mesures de
prévention et de protection contre les blessures évitables
exercera un effet positif sur les ressources. 2. La santé et
la sécurité des travailleurs du secteur sont essentielles et
étroitement liées à la santé des patients. Elles
sous-tendent la qualité des soins".
Il s'agit de protéger les
travailleurs, et l'on remarquera que cette transposition est
réalisée non pas par le SPF Santé publique, mais par le SPF
Emploi, Travail et Concertation sociale.
Cet Arrêté royal oblige
l'employeur à prendre une série de mesure visant à
protéger les travailleurs qu'il occupe.
Recapuchonnage interdit
Outre toute une série de devoir
d'informations, de précautions et de gestion, la disposition
qui a attiré notre attention est qu'il y aura lieu
d'interdire la pratique du recapuchonnage des aiguilles.
Il faut apporter une nuance
importante, à savoir qu'il faut sans doute faire la
différence entre la direction médicale d'un hôpital
employant des infirmières salariées manipulant elles-mêmes
des aiguilles, et un dentiste qui -seul- manipule les
seringues et aiguilles au cabinet.
Nous avons également tenté
d'expliquer aux Autorités la spécificité des aiguilles
dentaires, à savoir les deux extrémités piquantes pour
utilisation des carpules et la spécificité de nos
interventions qui font qu'il est de pratique courante de
laisser la seringue prête sur le champ de travail en vue
d'une éventuelle réinjection en cours d'intervention.
Bien sûr, le risque de piqûres
nous est bien connu.
Le CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE a publié en mai 2011 sous
le n° 8363 ses Recommandations relatives à la maîtrise des
infections lors des soins réalisés en médecine dentaire,
elles-mêmes actualisation des recommandations de 1997 :
2.3.11 Prévention des
accidents par piqûre
Prévenir les accidents par piqûre consiste à traiter les
aiguilles et objets tranchants avec la prudence nécessaire.
Les aiguilles (utilisées pour
administrer l’anesthésie locale) ne sont de préférence pas
recapuchonnées mais éliminées immédiatement. Les
objets coupants sont éliminés dans des conteneurs
spécifiques.
14.3 Prévention du contact
accidentel
Un incident potentiellement contaminant doit autant que
possible être évité en :
- appliquant les
précautions générales ;
- travaillant de manière
structurée et organisée ;
- portant des gants lors
de toute manipulation d’objets tranchants ;
- manipulant prudemment
les aiguilles et objets tranchants :
- ne jamais toucher
les aiguilles et les objets tranchants avec les
mains ;
- ne jamais plier ou
casser les aiguilles ;
- ne
pas replacer les capuchons sur une aiguille utilisée
mais l’éliminer immédiatement et prudemment ;
- ne
jamais laisser une aiguille non protégée sur le
champ de travail ;
- si
l’on veut néanmoins replacer un capuchon, cela se
fait alors :
-
à une main (technique du ramassage ou de la
baïonnette) ;
-
par l’intermédiaire d’une précelle ;
-
via l’utilisation d’un porte-aiguille
spécialement prévu à cet effet ;
- utilisant des conteneurs
à aiguilles solides et étanches pour l’évacuation des
objets tranchants ;
- ne remplissant jamais
les conteneurs à aiguilles au-dessus de la limite
indiquée (la plupart aux 3/4 environ) ;
- utilisant des gants de
ménage pour la manipulation des instruments utilisés ;
- évitant l’utilisation de
petites brosses (pour le nettoyage des fraises, etc.) et
le nettoyage manuel des instruments.
|
Les fabricants ont développé
des systèmes ingénieux de porte-capuchon, écran protecteur
et autre aiguille de sécurité.
Des surcoûts à financer
Si la tendance allait vers un
usage obligatoire des aiguilles de sécurité, cela
entrainerait un surcoût que nous estimons devoir être mis à
charge de la Sécurité sociale.
La SMD a donc remis une analyse de coûts au Conseil
Technique Dentaire INAMI pour intégrer dans une fiche de
besoins budgétaires pour 2014 la prise en compte de ces
nouvelles obligations.
Outre le surcoût de ces aiguilles, s'il est nécessaire
d'utiliser une seconde carpule, l'usage d'une seconde
aiguille est le plus souvent nécessaire, selon le type de
carpules / aiguilles utilisées.
Le nombre d'actes concernés est important : soins
conservateurs, parodontologie, extractions.
Exemple de prix : |
(février 2013) |
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Type d'aiguille |
HTVA |
TVAC |
Qté |
PU |
indice |
surcoût |
aiguille classique |
11,50 € |
13,92 € |
100 |
0,14 € |
1,00 |
€ 0,00 |
double biseau |
14,50 € |
17,55 € |
100 |
0,18 € |
1,26 |
€ 0,04 |
diamètre intérieur élargi |
13,50 € |
16,34 € |
100 |
0,16 € |
1,17 |
€ 0,02 |
aiguille de sécurité |
31,00 € |
37,51 € |
100 |
0,38 € |
2,70 |
€ 0,24 |
Conclusions
La
protection du personnel est impérative, outre la protection
des praticiens eux-mêmes.
Nous vous invitons à lire le texte de cet Arrêté royal,
particulièrement si vous employez du personnel salarié. Vous
avez de nouvelles obligations.
Nous invitons l'ensemble des praticiens à relire les
Recommandations du CSS de mai 2011, et de réaliser un
autocontrôle de leurs pratiques en matière de maîtrise des
infections.
Nous tiendrons bien entendu les membres informés du suivi de
ce dossier.
MD
04/05/13
SERVICE PUBLIC FEDERAL EMPLOI,
TRAVAIL ET CONCERTATION SOCIALE |
17 AVRIL 2013. - Arrêté royal
modifiant l'arrêté royal du 4 août 1996 concernant la protection des
travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents
biologiques au travail, en vue de la prévention des blessures par
objets tranchants dans le secteur hospitalier et sanitaire (1)
ALBERT II, Roi des Belges,
A tous, présents et à venir, Salut.
Vu la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors
de l'exécution de leur travail, l'article 4, § 1er,
numéroté par la loi du 7 avril 1999 et modifié par la loi du 10
janvier 2007, l'article 5, § 3 et l'article 12, § 1er,
5°;
Vu l'arrêté royal du 4 août 1996 concernant la protection des
travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents
biologiques au travail;
Vu l'avis n° 1.827 du Conseil National du Travail, donné le 27
novembre 2012;
Vu l'avis du Conseil supérieur pour la Prévention et la Protection
au travail, donné le 21 décembre 2012;
Vu l'avis 52.860/1 du Conseil d'Etat, donné le 28 février 2013, en
application de l'article 84, § 1er, alinéa 1er,
1°, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;
Sur la proposition de la Ministre de l'Emploi,
Nous avons arrêté et arrêtons :
Article 1er. Le présent arrêté transpose la Directive
2010/32/UE du Conseil du 10 mai 2010 portant application de
l'accord-cadre relatif à la prévention des blessures par objets
tranchants dans le secteur hospitalier et sanitaire conclu par l'HOSPEEM
et la FSESP.
Art. 2. L'article 3 de l'arrêté royal du 4 août 1996 concernant la
protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à
des agents biologiques au travail est complété par le 11° rédigé
comme suit :
« 11° objet tranchant à usage médical : un objet ou un instrument
nécessaire à l'exercice de certaines activités médicales, qui est
susceptible de couper, de piquer, de blesser et/ou d'infecter. Un
objet tranchant à usage médical est considéré comme un équipement de
travail au sens de l'arrêté royal du 12 août 1993 sur les
équipements de travail. »
Art. 3. Dans le même arrêté, il est inséré une section V/1,
comportant les articles 25/1 à 25/5, rédigée comme suit :
« Section V/1. - Dispositions particulières concernant l'utilisation
d'objets tranchants à usage médical dans le secteur hospitalier et
sanitaire
Sous-section 1re. - Champ d'application
Art. 25/1. § 1er. Cette section s'applique aux employeurs
qui sont responsables de la gestion, de l'organisation et de la
prestation de soins, et des services ou activités directement
connexes, ainsi qu'aux travailleurs qu'ils occupent.
§ 2. En application de l'article 9, § 1er de la loi,
l'employeur, si des travaux sont effectués dans son établissement
par des entrepreneurs et, le cas échéant, des sous-traitants dont
les travailleurs sont susceptibles d'être blessés et/ou infectés par
un objet tranchant à usage médical pendant l'exécution de leur
travail, est tenu de :
1° fournir à ces entrepreneurs les informations sur les risques des
objets tranchants à usage médical et sur les mesures de prévention à
prendre visés aux sous-sections 2 à 4;
2° s'assurer que ces travailleurs des entrepreneurs et
sous-traitants ont reçu la formation et les instructions nécessaires
en rapport avec les objets tranchants à usage médical et sur les
mesures de prévention à prendre;
3° expliquer les risques des objets tranchants à usage médical ainsi
que les mesures de prévention lors de l'accueil spécifique à son
établissement;
4° veiller à ce que ces entrepreneurs respectent les mesures en
matière de prévention de blessures et/ou infections par un objet
tranchant à usage médical.
Sous-section 2. - Analyse des risques et mesures de prévention
Art. 25/2. § 1er. Dans le cadre de l'analyse des risques,
telle que visée à l'article 5, l'employeur, visé à l'article 25/1,
examine l'ensemble des situations où les travailleurs sont
susceptibles d'être blessés et/ou infectés par un objet tranchant à
usage médical pendant l'exécution de leur travail, suite à une
exposition au sang ou à un autre vecteur d'infection potentiel.
Pour ce faire, il tient compte :
1° de la technologie et du matériel utilisé;
2° de l'organisation du travail;
3° des conditions de travail;
4° des niveaux de qualification;
5° des facteurs psychosociaux liés au travail;
6° de l'influence des facteurs liés à l'environnement de travail.
§ 2. Sans préjudice de l'obligation de fournir l'information et les
modes d'emploi des objets tranchants à usage médical en application
de l'article 7 de l'arrêté royal du 12 août 1993 sur l'utilisation
des équipements de travail, l'employeur
prend les mesures spécifiques de prévention suivantes, si l'analyse
des risques démontre qu'il existe un danger de blessure et/ou
d'infection par un objet tranchant à usage médical :
1° supprimer l'usage inutile d'objets tranchants à usage médical par
l'adoption de changements dans les pratiques et, sur base des
résultats de l'analyse des risques,
mettre à disposition des dispositifs médicaux dotés de mécanismes de
sécurité et de protection intégrés;
2° interdire la pratique du
recapuchonnage;
3° définir et mettre en œuvre des procédures sûres d'utilisation et
d'élimination des objets tranchants à usage médical et des déchets
contaminés. Ces procédures sont réévaluées régulièrement;
4° installer des conteneurs clairement étiquetés et techniquement
sûrs pour l'élimination des objets tranchants à usage médical et des
déchets contaminés, le plus près possible des zones où ces objets
sont utilisés;
5° attirer l'attention sur les différents risques liés à
l'utilisation d'un objet tranchant à usage médical ;
6° sensibiliser grâce à l' élaboration des activités et du matériel
promotionnel en collaboration avec le comité;
7° fournir des informations sur les programmes de secours
disponibles;
8° promouvoir les bonnes pratiques en matière de prévention, de
notification et d'enregistrement des incidents/accidents;
9° disposer de directives et de procédures lorsqu'une blessure et/ou
une infection par un objet tranchant à usage médical peut se
produire.
Sous-section 3. - Formation des travailleurs
Art. 25/3. Sans préjudice de l'application de l'article 29,
l'employeur dispense aux travailleurs une formation adéquate sur les
directives et les procédures relatives aux blessures et/ou
infections par un objet tranchant à usage médical, portant notamment
sur :
1° l'utilisation correcte de chaque objet tranchant à usage médical
et l'élimination correcte de celui-ci après usage;
2° les risques liés à l'exposition au sang et aux fluides corporels;
3° les mesures de prévention à prendre, dont les équipements de
protection individuelle et les vaccinations à fournir;
4° les procédures de notification, d'intervention et de suivi, et
leur importance;
5° les mesures à prendre en cas de blessures.
En application de l'article 21 de l'arrêté royal relatif à la
politique du bien-être, l'employeur accorde une attention
particulière à la formation des nouveaux travailleurs et des
travailleurs temporaires.
Sous-section 4. - Notification et procédure de suivi
Art. 25/4. En application de l'article 6, alinéa 2, 4° de la loi, le
travailleur signale immédiatement à l'employeur et au service
interne tout accident ou incident avec un objet tranchant à usage
médical.
Art. 25/5. Lorsqu'un travailleur a fait une notification telle que
visée à l'article 25/4, l'employeur applique les directives et les
procédures visées à l'article 25/2, § 2, 9°, et il prend les mesures
suivantes :
1° s'assurer directement que le travailleur blessé reçoive des
soins, notamment le traitement prophylactique postexposition,
prévoir les examens médicaux nécessaires lorsque des raisons
médicales l'exigent, ainsi qu'une surveillance de la santé adaptée;
2° enquêter sur les causes et les circonstances de l'accident ou de
l'incident et l'enregistrer, pour autant que cet enregistrement ne
soit pas déjà fait dans le cadre d'une autre réglementation;
3° en cas de blessure, et après avis du conseiller en
prévention-médecin du travail, envisager des actions
supplémentaires, parmi lesquelles un accompagnement psychologique et
un traitement médical. »
Art. 4. Le ministre qui a l'Emploi dans ses attributions est chargé
de l'exécution du présent arrêté.
Donné à Bruxelles, le 17 avril 2013.
ALBERT
Par le Roi :
La Ministre de l'Emploi,
Mme M. DE CONINCK
_______
Note
(1) Références au Moniteur belge :
Loi du 4 août 1996, Moniteur belge du 18 septembre 1996.
Loi du 7 avril 1999, Moniteur belge du 20 avril 1999.
Loi du 10 janvier 2007, Moniteur belge du 6 juin 2007.
Arrêté royal du 4 août 1996, Moniteur belge du 1er
octobre 1996.